La séance du Conseil communautaire du 23 novembre comportait une délibération importante pour la stratégie du territoire en terme de gestion des déchets et d’énergie : la délibération n°8 proposait aux conseillers communautaires d’autoriser Le Président à signer un marché global de performances dans le but d’exploiter et d’optimiser d’un point de vue énergétique et environnemental l’unité de valorisation énergétique de Port Neuf (le contrat en cours prenant fin en novembre 2018). Le montant prévisionnel du marché est de 55 millions d’euros pour une durée de 10 ans. Adossé à ce marché , à notre demande, l’engagement d’une étude de mise en œuvre d’une collecte des biodechets sur le territoire avec diagnostic et scenarii fin d’année 2018 ou début 2019.
Mais peut on vraiment déterminer la nature des investissements à réaliser sans savoir, à 10 ans, quel sera le volume des déchets résiduels à incinérer et donc sans avoir conduit, au préalable, une étude sur l’impact de la mise en place d’une filière de tri et de collecte des bio déchets ? Nous, comme beaucoup d’associations mobilisées sur ce sujet, ne le pensons pas ! Les élus écologistes , et ils ont été les seuls, ont donc voté contre cette délibération.
Mis en service depuis 1988, l’incinérateur de Port Neuf qui a une capacité de 65600 tonnes fonctionne à partir de l’incinération des ordures ménagères de la CDA (71%) mais pas seulement car il brûle des déchets industriels ( 15%) et des ordures ménagères d’autres territoires dont l’île de Ré (7%). Cette unité de valorisation énergétique fournit de l’eau chaude à 5000 équivalents logements ( réseau de chaleur) et de la vapeur à l’usine Solvay. Pour autant 25% de sa production est constituée de résidus, les mâchefers qu’il faut traiter. ( Source : rapport CDA)
Coupler un réseau de chaleur avec une usine d’incinération n’est pas le choix le plus écologiquement responsable. Il expose les riverains aux fumées et micro-polluants de l’usine mais surtout il va à l’inverse d’une politique de prévention et de réduction des déchets: un incinérateur ayant besoin de toujours plus de déchets pour fonctionner. En outre, il est peu créateur d’emplois : 3 pour 10000 tonnes de déchets contre 30 pour une filière et recyclage !
De plus, la loi de transition énergétique et pour la croissance verte adoptée en 2015 est claire : elle définit les priorités des politiques à mener, prévention, réutilisation, recyclage dont valorisation organique, puis seulement valorisation énergétique. Elle prévoit aussi un développement du tri à la source des déchets organiques, « jusqu’à sa généralisation pour tous les producteurs de déchets avant 2025 ». L’objectif est clairement fixé : il faut offrir à chaque citoyen « une solution lui permettant de ne pas jeter ses biodéchets dans les OMR ». Par ailleurs, la mise en place d’une tarification incitative, via la redevance incitative ou la création d’une part incitative dans la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM), devrait aussi influencer les volumes collectés pour chacun des flux. L’expérience montre une diminution forte, de -30 à -50%, des volumes d’OMR. Cette baisse ne constitue pas uniquement un transfert des OMR vers les recyclables, puisque le volume global collecté chute de 20 à 30%. (Source actu-environnement).
Dès lors, comment envisager, comme le soutien David Caron, que le tonnage à incinérer restera le même sauf bien sûr à aller chercher la matière toujours plus loin par camion ?
Deux exemples doivent nous servir d’indicateur : Lorient et Saintes.
Dans ces deux collectivités La mise en place d’une collecte des bio déchets a provoqué la diminution du volume des ordures ménagères résiduelles. 185kg/hab/an à Lorient; 189kg pour Saintes. À La Rochelle, nous en sommes encore à 260kg/an/hab alors même que nous sommes performants dans le tri des plastiques et autres recyclables.
La mise en place d’une telle filière à La Rochelle fera inévitablement diminuer les tonnages à incinérer : en prenant la base raisonnable de 185kg/hab et par an, ce ne sont plus 42000 tonnes d’OMR qui seraient incinérées mais seulement 30000 tonnes ! Et quand on lit dans un rapport d l’Ademe de 2013 que les installations incinérant 30% de moins que leurs capacités réglementaires ont un coût de 45 €HT/t au-dessus de la moyenne, on peut se poser la question du modèle économique de cet incinérateur nouvelle génération ! Qui assumerait le surcoût ? La collectivité, l’exploitant, les clients du réseau de chaleur ?
Aussi compte tenu de l’incohérence de cette délibération, de ses contradictions avec les politiques de réduction des déchets menées par la CDA et des conséquences économiques qu’elle pourrait avoir, les élus écologistes ont fait le choix de voter contre cette délibération. Nous ne voulons pas d’une Ferrari de l’incinération qui n’aurait plus de carburant
La mobilisation des associations à travers une lettre ouverte aux conseillers communautaires nous montre qu’un autre modèle de gestion des déchets est possible et souhaité par les citoyens.
JM Soubeste
Conseiller communautaire et Adjoint au Maire de La Rochelle