Avis des élus écologistes sur l’extension de la réserve de la baie d’Yves

Avis pour l’enquête publique préalable au projet d’extension de la réserve naturelle nationale du marais et de la baie d’Yves sur les communes d’Yves et de Fouras

État des lieux

La consultation publique, lancée le 16 novembre dernier, concerne l’opportunité d’une extension de la réserve naturelle nationale des marais d’Yves, créée en 1981, pour porter sa surface à 1 206 hectares, contre 188 actuellement, en incluant notamment une partie de la baie d’Yves. Le projet vise à renforcer la conservation de sa richesse exceptionnelle, à permettre une meilleure prise en compte de la fonctionnalité des marais littoraux et garantir une zone de quiétude élargie pour les oiseaux d’eau. Il s’inscrit dans le contexte de la construction dans la réserve d’une digue de protection contre la submersion marine.

Les travaux de construction de cet ouvrage d’une longueur de près de 4 km au cœur de la réserve naturelle, une première dans l’histoire, impacteront inévitablement la richesse patrimoniale du milieu et détruiront plusieurs habitats remarquables sur une superficie globale évaluée à près de 9 ha de prairies subhalophiles.

La réserve étendue permettrait, dans ce contexte, d’anticiper plusieurs de ces impacts et d’appréhender les conséquences du changement climatique et en particulier l’élévation du niveau marin.
A ce titre, nous souhaitons soumettre à l’enquête publique huit éléments d’évaluation qui nous semblent incontournables dans la réflexion.

1. Pour éviter la perte des fonctions écologiques des sols des marais et éviter d’exploser notre dette écologique:

La construction de la digue dans le RNN se conjugue à d’autres pressions géochimiques, écologiques et socio-économiques à différentes échelles. L’extension de le RNN, mesure de compensation ne sera jamais suffisante à la vue des atteintes constatées par rapport à la construction de la digue. Dans le triptyque ERC le plus important évidemment étant le E : les étapes d’évitement des impacts tout d’abord, de réduction ensuite, et en dernier lieu, la compensation des impacts résiduels du projet.

La mesure de compensation via l’extension de la RNN sera maintenant « à moindre mal » à condition de veiller à son application immédiate et à son suivi via une évaluation scientifique approfondie. Comme le soulignent les SDAGE Adour-Garonne et Loire-Bretagne, les mesures compensatoires doivent prévoir la recréation ou la restauration de zones humides, cumulativement :

• équivalente sur le plan fonctionnel ;

• équivalente sur le plan de la qualité de la biodiversité…

En dernier recours, et à défaut de la capacité à réunir les différents critères listés précédemment, la compensation porte sur une surface égale à une augmentation marquée de la surface ici la RNN, en essayant de le faire de façon adjacente prioritairement.

2. Pour une prise en compte des enjeux dynamiques du territoire en articulation avec l’ensemble de l’écosystème du marais et ses acteurs :

Si le périmètre du projet est riche de deux ZNIEFF (ZNIEFF des chaudières présentant des milieux patrimoniaux secs et ZNIEFF de la Cornerie aux milieux plutôt marécageux), la zone protégée, présente des atouts d’intérêt national pour la richesse de son patrimoine naturel qui s’inscrit dans un écosystème avec lequel elle entretient une relation d’interdépendance dans une gestion globale et durable.

Par ailleurs, la RNN fait partie intégrante de deux sites Natura 2000 relevant des directives oiseaux et habitats. Rappelons également que le front de mer de la RNN du marais d’Yves est situé en limite directe avec le Parc naturel marin de l’estuaire de la Gironde et de la mer des Pertuis créé le 15 avril 2015. De surcroît, il ne faut pas ignorer dans cette réflexion plus globale l’étude l’opportunité en cours pour la création du Parc Naturel Régional du littoral charentais.

Les travaux de construction d’une digue, au cœur de la réserve naturelle, auront un impact fort sur cette richesse patrimoniale. Ces impacts doivent nécessairement être compensés par la mise en œuvre de mesures de conservation et de renaturation sur la zone terrestre riche de marais et de dunes mais également sur les zones d’estran des anses d’Yves et de Fouras.

Ce projet d’extension joue donc un rôle prédominant, a minima, dans la Stratégie Nationale des Aires Protégées 2030

3. Pour renforcer la visibilité, la connaissance et l’attractivité d’un territoire riche d’un patrimoine à découvrir :

La RNN et son projet d’extension au-delà de l’intérêt écologique remarquable s’inscrivent dans une zone attractive entre les deux pôles touristiques d’Yves et Fouras. Ce projet constituera un levier de valorisation de cet espace naturel à travers notamment l’ouverture d’une réserve protégée ouverte au public et une nouvelle offre d’éducation à l’environnement.

En effet, au-delà de la valorisation du sentier côtier qui chemine sur le linéaire maritime, depuis les Boucholeurs au nord jusqu’au bourg de Fouras au sud, le projet renforce l’attractivité de la voie cyclable reliant la Commune de Saint Laurent de la Prée au bourg de Fouras, ancienne voie ferrée transformée en voie verte. Ce parcours constitue un itinéraire bis de la Vélodyssée, voie cyclable d’intérêt européen.

L’accueil au centre nature pour des visites guidées à destination d’un large public, y compris en situation de handicap, constitue une plus valu pédagogique intéressante et renforce une identité attractive autour de l’écotourisme pour le territoire.

4. Pour sécuriser un sanctuaire indispensable sur les corridors migratoires ornithologiques :

La morphologie marais – littoral de la RNN de la baie d’Yves exerce un fondement fonctionnel majeur sur les écosystèmes et les services écosystémiques à différentes échelles. Ceci implique un renforcement des mesures de solidarités écologiques là aussi à différentes échelles sur les haltes de routes migratoires ornithologiques majeures dont fait partie la RNN notamment. Son extension est donc une opportunité pour mieux protéger voire reconquérir la biodiversité ici et là bas.

5. Pour limiter les impacts sur les activités économiques :

Concernant les incidences sur les activités économiques de la baie que sont la conchyliculture, la pêche, les activités agricoles et cynégétiques, le tome 4 du dossier de l’enquête publique est extrêmement rassurant.
On trouve dans le périmètre du projet des parcelles consacrées à l’ activité conchylicole, mais les concessions ostréicoles et mytilicoles en elles-mêmes ne sont pas concernées par le périmètre d’extension. Les études ne révèlent pas d’incidence négative sur cette activité qui participe à l’identité du territoire et au patrimoine matériel et immatériel du site, tout comme la pêche au carrelet toujours autorisée dans le projet. Il en est de même pour les pratiques agricoles ( le pâturage, la fauche de prairies, le broyage de jachères ou la conduite de cultures ) qui continueront à être autorisées dans le périmètre de la future réserve (projet de décret, articles 5 et 11). La seule restriction concerne l’interdiction de l’utilisation de produits phytosanitaires. (projet de décret, article 8), que l’on ne pourra raisonnablement déplorer.

Pour ce qui concerne les activités cynégétiques, étant donnés les enjeux de préservation qui prévalent dans le projet d’extension, l’interdiction actuelle de la chasse sur la réserve serait étendue

sur l’ensemble du périmètre de la future réserve naturelle, à l’exception des actions de régulation des sangliers qui resteraient possibles (projet de décret, article 7).

6. Pour préserver et multiplier les puits de carbone :

Aussi, il semble opportun de rappeler ici le rôle joué par les écosystèmes du littoral charentais dans l’atténuation du changement climatique, à travers notamment les phénomènes de séquestration carbone des zones humides.
Cf rapport parlementaire « terres d’eau , terres d’avenir » du 28 janvier 2019.

Au delà des objectifs gouvernementaux de neutralité carbone, il est à noter que la communauté d’agglomération Rochelaise, comprenant la commune d’Yves, s’est dotée de moyens et donnée des objectifs ambitieux dans le cadre du dispositif « zéro carbone » pour démultiplier les outils de captation du carbone. Il est donc nécessaire de rappeler le rôle déterminant joué par les puits de carbone que constituent les milieux naturels et plus précisément humides et aquatiques concernés par le projet d’extension qui apparaît, alors, comme un levier essentiel d’une transition écologique efficace.

7. Pour la prise en compte des aléas liés au dérèglement climatique sur le trait de côte

L’augmentation des aléas liés au dérèglement climatique augmente le risque pour les sociétés humaines: érosion, submersion notamment sur le littoral charentais

Les causes de l’érosion des côtes et de l’augmentation de la vulnérabilité sont multiples: – Épuisement du stock sédimentaire

– L’élévation du niveau marin due à la fonte des neiges et des glaciers, dilatation des océans

– Multiplication des phénomènes climatiques extrêmes (Les tempêtes) : les houles, les vents en association avec les pleines mers et les phénomènes de surcote modifient le littoral.

– Les transports sédimentaires par les courants, les houles, les vents.

– L’homme avec la construction de barrages ou retenue qui empêchent les transits sédimentaires ; les extractions de matériaux aux embouchures des fleuves; l’arasement des dunes bordières; les aménagements du front de mer; les travaux portuaires et ouvrages de protection…

L’extension de la RNN pourra être un outil d’expérimentation et d’évaluation des solutions fondées sur la nature pour une gestion « douces » du trait de côte sur une surface plus significative. La RNN, élargie, devient un outil pertinent pour « travailler avec la nature » en intégrant la dynamique naturelle du littoral et la mobilité du trait de côte.

8. Pour évaluer le rôle de la réserve comme terrain d’étude et d’expérimentation pour les recherches scientifiques et pédagogiques au chapitre de l’éducation à l’environnement

Les écosystèmes clés à l’interface terre-mer de la RNN jouent un rôle tampon entre les milieux terrestres et marins. Leur rôle écologique est largement reconnu, notamment par les textes européens et internationaux. Les enjeux de conservation et de restauration associés à ces espaces sont donc majeurs y compris quant à l’acquisition de la connaissance et à l’éducation à l’environnement.

La protection et la restauration des marais littoraux répondent à de nombreux enjeux en terme de recherche et engagements écologiques et sociétaux actuels : reconquête de la biodiversité,

restauration des continuités écologiques, optimisation du volume oscillant et adaptation aux changements globaux, problématiques climatiques et captation du carbone. Les dimensions sociales, différenciation et confrontation des représentations et des connaissances des lieux, acceptation sociale et modes de compréhension des enjeux de restauration, …) se révèlent être de formidables outils au service de l’expérimentation et de la connaissance dans le champ des sciences expérimentales et des recherches-actions.

Enfin l’intérêt de l’extension de la RNN d’Yves via la recherche autour des thématiques d’adaptation et d’atténuation des changements globaux s’inscrivent au coeur de la la capacité de résilience des milieux et des territoires.

L’extension de la la Réserve naturelle de la baie d’Yves est donc, in fine, une opportunité dans nos missions d’atténuation et d’adaptation liées aux dérèglements ainsi qu’à la préservation de la qualité des milieux naturels. La protection et la gestion du site élargi permettra de renforcer l’interface entre un rôle de mise en réseau(x) des acteurs à différentes échelles locale, nationale, européenne, voire internationale. Les fonctionnalités essentielles du marais et leurs aménités positives seront mieux étudiés via des approches scientifiques plus opératoires quant à l’échelle d’analyse.

Katia Bourdin

Conseillère régionale Nouvelle-Aquitaine Pour le département de la Charente Maritime Groupe écologiste, solidaire et citoyen

Jean-Marc Soubeste

Conseiller départemental de Charente Maritime Pour le canton La Rochelle 3
Élu communautaire de l’agglomération rochelaise

Océane Mariel

Conseillère municipale à La Rochelle
Élue communautaire de l’agglomération rochelaise

Nadine Juhel

Conseillère municipale à Perigny

Franck Rinchet-Girollet

Conseiller municipal à Vérines

Stéphane Trifiletti

Conseiller régional Nouvelle-Aquitaine
Pour le département de la Charente Maritime Groupe écologiste, solidaire et citoyen

Marion Pichot

Conseillère départementale Charente Maritime Pour le canton La Rochelle 3

Jean Mariaud

Co-référent Nouvelle-Aquitaine
au bureau national de l’AMT de Génération.s Conseiller municipal à Rochefort

Sylvain Chopin

Conseiller municipal à St Médard d’Aunis

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