Pour une transition énergétique maîtrisée et responsable

Tribune des élu.e.s du territoire rochelais

Avec une part d’énergies renouvelables représentant moins de 11 % de sa consommation finale brute d’énergie, le territoire rochelais est très en retard dans la mise en oeuvre de sa transition énergétique. L’Agglomération piétine : elle ne parvient pas à élaborer son plan climat air énergie territorial (PCAET), pourtant obligatoire depuis 2017, et propose la mise en oeuvre d’un schéma directeur des énergies renouvelables dominé par le grand éolien terrestre et en deçà des objectifs régionaux ou européens. Les élu.e.s écologistes regrettent le manque de concertation et doutent de la
faisabilité d’un tel mix énergétique.

La sortie des ressources fossiles doit être la priorité de nos politiques publiques locales.
Notre mix énergétique et nos activités économiques dépendent majoritairement des énergies fossiles, responsables du réchauffement climatique. Le déploiement des énergies renouvelables est indispensable pour faire face à la hausse de la consommation d’électricité et sortir des énergies fossiles, y compris dans un scénario de grande sobriété, soutenu par les écologistes.

Que propose l’Agglomération de la Rochelle ? Elle propose une transition énergétique dominée par le grand éolien terrestre, avec une trentaine d’éoliennes à l’horizon de 2030, mais sans porter cette programmation aux échéances 2040 ou 2050. Les écologistes locaux doutent de sa faisabilité technique et s’inquiètent d’une insuffisante évaluation environnementale d’une telle programmation énergétique :

  1. Insuffisante prise en compte des habitats naturels et de la biodiversité ?

    Le territoire rochelais bénéficie de la présence de marais et zones humides rétro-littorales qui ceinturent des plaines agricoles cultivées. Ces milieux abritent une biodiversité remarquable. Or, l’éolien participe à l’érosion de cette biodiversité par la fragmentation des habitats et la mortalité directes d’espèces en voie de disparition. Aussi, nous demandons un évitement strict et régulier des zones sensibles : Natura 2000 continentales ou marines, milieux humides, hotspot de migrations, habitats préférentiels des rapaces comme des chauves-souris (recommandations Eurobats).

    De plus, nous faisons nôtres les alertes émises par la Société française d’étude et de protection des mammifères (SFEPM) sur la dangerosité des éoliennes à faible garde au sol et grand rotor.

    Les écologistes entendent élever la préservation du vivant au même rang que le climat ; ets’inquiètent d’un impact irrémédiable sur une biodiversité locale déjà touchée par l’altération des habitats.

  2. Non respect de distances suffisantes vis-à-vis des habitations riveraines ?

    En 2016, l’Agglomération de la Rochelle a adopté une charte éolienne qui définissait et priorisait des zones d’implantation potentielle respectant une distance minimale de 650 mètres de tout groupe d’habitations. Le guide paysager éolien poursuit ce travail de planification, mais les nouvelles zones dites favorables à l’implantation d’éoliennes ont alors été construites en ne prenant qu’une distance minimale de 500 mètres.

    La faisabilité technique d’implantation d’un nombre suffisant d’éoliennes permettant de satisfaire un mix énergétique décrété ex nihilo ne peut justifier un tel revirement ! Nous considérons que ce recul démocratique a pu nourrir la contestation locale, comme générer de récents volte-face de certains élus.

    Les écologistes demeurent force de propositions pour trouver des alternatives au grand éolien terrestre sur les terres rochelaises et pour conduire la nécessaire transition énergétique. Voici les grands axes d’un scénario menant le territoire, à la fois vers l’objectif “Territoires à énergie positive” (TEPOS) et, plus de résilience comme de solidarité :

    Axe 1 – Renforcer nos ambitions d’économies, d’efficacité et de sobriété énergétique
    L’Agglomération de la Rochelle doit consolider ses objectifs de diminution des consommations énergétiques : le territoire en a l’expertise et les acteurs. Pour cela, il faudra renforcer les actions prévues dans le PCAET, notamment sur la rénovation énergétique et la mobilité. Des actions de formation, de sensibilisation ou de communication ne pourront suffire !
    Il faudra des investissements forts et structurants, bien évidemment dans la rénovation énergétique. Pour les bâtiments existants, la plateforme rochelaise de la rénovation énergétique est un outil essentiel auquel il conviendra de donner les moyens de ses objectifs. L’éradication des passoires thermiques et des systèmes de chauffages d’origine fossile (fioul notamment) doit être une priorité.
    Pour les bâtiments neufs, la prochaine modification simplifiée du PLUi pourra utilement généraliser les zones de performance énergétique renforcée sur les zones AU.
    Des investissements forts et structurants, il en faudra aussi sur la mobilité pour limiter l’usage de la voiture individuelle, y compris électrique, en développant les infrastructures de mobilités actives et en densifiant le réseau de transport en commun sur l’ensemble du territoire.

    Axe 2 – Faire du solaire, un des piliers de notre projet de territoire
    Nous considérons que le potentiel de développement de l’énergie d’origine solaire (photovoltaïque et thermique) a été largement sous-estimé alors que le territoire rochelais bénéficie pourtant d’un ensoleillement généreux. Nous proposons de faire du solaire, un pilier de développement avec des objectifs très ambitieux. Le solaire peut couvrir plus de la moitié de nos besoins en énergie !
    Pour cela, nous considérons qu’il faut généraliser les installations photovoltaïques sur le neuf, massifier les dispositifs solaires sur l’ancien ou encore couvrir d’ombrière l’ensemble des parkings. Le territoire en dispose déjà les outils et les acteurs. L’assouplissement des règles en secteur sauvegardé doit être soutenu pour permettre le déploiement du photovoltaïque sur les bâtiments anciens. La modification en cours du PLUi peut y participer.
    Pionnier de l’écologie urbaine, le territoire rochelais pourrait aussi être à l’avant-garde dans l’innovation rurale. Alors que sur notre territoire, l’agrochimie des biocarburants confisque jusqu’à 15 % des surfaces agricoles sans nullement satisfaire nos besoins, l’agrivoltaïsme peut répondre à tout ou partie de nos besoins en n’occupant que de 2 à 4 % de la surface agricole utile (SAU). Cela peut faire débat, nous l’admettons, mais le développement de l’agrivoltaïsme peut concilier de nombreux enjeux de territoire ! Alors que l’Agglomération de la Rochelle s’apprête à modifier son PLUi, élabore un projet alimentaire territorial (PAT) et envisage une meilleure protection de sa ressource en eau, nous considérons qu’il est indispensable de mettre en débat la place de l’agrivoltaïsme et de faire évoluer le PCAET en ce sens.

    Axe 3 – Contenir le développement du grand éolien terrestre
    Pour préserver la biodiversité et garantir sa soutenabilité, nous demandons, au niveau national, de contenir l’éolien dans un développement raisonnable et harmonieux. L’atteinte des objectifs énergétiques pourra être assurée par la mise en oeuvre de projets de repowering sur les vieux parcs ou encore la suppression de certaines servitudes militaires qui ouvrira de nouveaux potentiels d’implantation. Nous demandons aussi que les pouvoirs publics renforcent la planification de l’éolien maritime, hors aire marine protégée et, en favorisant les parcs flottants, reconnus comme moins impactant pour la faune marine et les habitats benthiques.

    Axe 4 – Poursuivre la planification pour faire émerger des projets citoyens et partagés
    Localement, nous demandons à poursuivre le travail de planification et de concertation engagé par l’Agglomération de la Rochelle. Le guide paysager pourra utilement être complété par les éléments de diagnostic territorial réalisé à l’occasion de la récente élaboration du PLUi, ou encore par la future carte régionale des zones propices à l’implantation d’éolienne portée par les services de l’État. Les zones éventuellement identifiées pourront être intégrées au zonage réglementaire du PLUi en cours d’évolution. Nous insisterons alors à une gouvernance locale avec, par exemple, la mise en place d’appels à projet pour faire émerger des projets exemplaires, citoyens et partagés.

    Axe 5 – Structurer une gouvernance locale
    Le développement des EnR nécessite d’en dynamiser la gouvernance et le portage de projet. Les collectivités comme les citoyens doivent reprendre la main sur la production d’énergie. Pour cela, le syndicat départemental d’énergie (SDEER) qui en a la compétence, devra être mobilisé pour devenir un acteur principal de cette transition énergétique. Les collectivités du territoire rochelais doivent aussi être facilitatrices de projet, notamment par l’accès au foncier public, par un urbanisme innovant, par une mobilisation des partenariats public-privé ou encore par des participations significatives dans des sociétés citoyennes coopératives de production d’énergie… Cette gouvernance locale de la transition énergétique forgera la pérennité de son appropriation citoyenne.

    Axe 6 – Construire une filière bois locale
    Le chauffage bois peut continuer à contribuer de manière significative à la transition énergétique du territoire, mais nous devons diminuer les importations en développant une véritable filière locale. Pour cela, nous proposons de planter des bois préférentiellement au sein des aires de captages d’eau et des haies aux abords du maximum de routes comme le long de tous les fossés et ruisseaux. Ces haies, exploitées en taillis à très courte rotation, permettront à la fois de soutenir la transition agroécologique et d’alimenter la demande en bois local.
    Pour la gouvernance de la filière, nous incitons à la création d’une société coopérative d’intérêt collectif permettant d’associer l’ensemble des acteurs de la filière (entreprises, propriétaires fonciers, exploitants agricoles, citoyens, collectivité…).

    Axe 7 – Soutenir biogaz et les e-carburants
    Parallèlement aux efforts d’efficacité et de rénovation énergétique, le gaz de ville fossile devra aussi être substitué au maximum, notamment par l’électrification des usages. La méthanisation ou les technologies de Power-To-X devront satisfaire les usages non substituables parmi les secteurs de la mobilité, de l’industrie ou encore des bâtiments.

    Sylvain CHOPIN
    Conseiller municipal à Saint-Médard-d’Aunis

    Océane MARIEL
    Conseillère municipale à La Rochelle
    Elue communautaire de l’agglomération rochelaise

    Jean-Marc SOUBESTE
    Conseiller municipal à La Rochelle
    Conseiller départemental de Charente-Maritime – Canton La Rochelle-3
    Elu communautaire de l’agglomération rochelaise

    Franck RINCHET-GIROLLET
    Conseiller municipal à Vérines

    Marion PICHOT
    Conseillère départementale Charente-Maritime – Canton La Rochelle-3

    Nadine JUHEL
    Conseillère municipale à Périgny

    Eric PASQUIER
    Conseiller municipal à La Rochelle

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